Pourquoi certains accusés demeurent-ils détenus avant leur procès?
Dans un article précédent, nous avons traité du cas de la fillette décédée tragiquement à Granby le 30 avril 2019. Le 10 juin dernier, suite à l’enquête sur remise en liberté du père de celle-ci, l’Honorable Serge Champoux, juge en Cour du Québec, a statué qu’il devrait demeurer détenu en attendant son procès. Pourquoi est-il demeuré détenu, alors que d’autres accusés faisant face à des accusations similaires sont parfois remis en liberté?
En tant qu’avocats criminalistes, il s’agit d’une question à laquelle nous devons fréquemment répondre… Dans l’article qui suit, nous tâcherons de vous expliquer sommairement les principes de la libération sous cautionnement en droit canadien.
Le droit fondamental à un cautionnement raisonnable
Tel qu’évoqué dans un article précédent, le droit de ne pas être privé d’une remise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable est fondamental, et la détention avant procès doit demeurer l’exception, tout accusé bénéficiant toujours à ce stade de la présomption d’innocence.
Les critères prévus au code criminel
L’article 515(10) du Code criminel prévoit les critères que les juges doivent considérer avant de rendre une ordonnance de détention avant procès. Grosso modo, trois cas de figure doivent être considérés :
(1) L’accusé qui risque de “s’enfuir” et de ne pas se présenter à son procès ;
(2) L’accusé qui présente un risque marqué de récidiver de manière à compromettre la sécurité publique ;
(3) L’accusé dont la remise en liberté minerait la confiance du public.
Le fardeau de la preuve
Sauf dans les cas spécifiques prévus au Code criminel, c’est toujours la poursuite qui a le fardeau de prouver que la détention est nécessaire. Par exemple, si un individu est détenu suite à des bris de condition, ce sera à lui de démontrer que sa détention n’est pas nécessaire eut égard aux critères pertinents. Il en sera de même pour un individu accusé de meurtre, et dans ce cas, seul un juge de la Cour supérieure pourra ordonner sa remise en liberté.
Une question de faits
Comme c’est toujours le cas dans le domaine du droit criminel, les décisions des juges en matière de remise en liberté sont essentiellement tributaires des faits particuliers à chaque affaire. Par exemple, s’il est mis en preuve que l’accusé était intoxiqué au moment des faits, un juge pourrait être tenté de le remettre en liberté à condition qu’il intègre une ressource en réadaptation de la dépendance, si celui-ci témoigne être motivé à le faire. Inversement, si le profil de l’accusé témoigne de plusieurs antécédents de bris de condition, un juge pourrait avoir du mal à lui faire confiance quant au respect de ses conditions advenant sa remise en liberté.
Comme on peut le constater encore une fois, le droit criminel est un domaine de pratique sophistiqué et tout en nuances. C’est pourquoi nos avocats criminalistes tâchent de demeurer à la fine pointe des derniers développements.